vendredi, août 29, 2008

La Guerre s'appelle Poutine

…et ne pas laisser mourir la culture
Des intellectuels russes en appellent à la Russie

Le bilan du «
blitzkrieg » russe en Géorgie est évident. De nombreuses constructions civiles ont été endommagées ou détruites. Le fier Etat indépendant caucasien est à genoux. On n’a laissé aux Géorgiens que leurs yeux pour pleurer.


Nous autres, grandis dans la culture russe, qui vivons à l’Ouest mais qui sommes préoccupés par son destin, partageons la douleur de toutes les victimes. Nous savons que la Russie n'a remporté aucune victoire en Géorgie, – crie-t-on « victoire » lorsqu’un Etat se moque de la souveraineté d’un autre Etat ? C’est à elle-même que la Russie a porté un coup terrible.

L’image de la Russie qui, il y a encore une quinzaine d’années, faisait ses premiers pas vers la démocratie, se ternit encore en ce mois d’août aux yeux du monde. Après la Tchétchénie, voici venu le tour de la Géorgie.

Aveuglés par leur acharnement anti-géorgien, les nationalistes russes déclarent que le pays peut fort bien se passer des fruits et des fleurs importés de Géorgie, tout comme de son eau minérale. Soit ! Mais comment imaginer la culture russe sans les œuvres de Pouchkine ou de Lermontov qui furent nourries de leur amour pour la Géorgie, ou encore sans les traductions géniales de la poésie géorgienne que firent en leur temps Pasternak, Zabolotski, Tarkovski, devenues partie intégrante de notre patrimoine littéraire ? Les Russes pourront-ils chasser de leur cœur le Géorgien Boulat Okoudjava, chantre des rues moscovites ? Vont-ils oublier le doux visage du philosophe Mamardachvili ? Ou encore l’œuvre du cinéaste Iosséliani ? La machine militaire qui visait le président Saakachvili entame en réalité notre socle culturel commun.

En Russie, des voix provocatrices rappellent que Staline était géorgien. C’est là une spéculation dangereuse qui vise à alimenter l’hostilité entre les nations. La vérité est que pendant les années du stalinisme, les Géorgiens ont souffert tout autant que les Russes et que les autres peuples de l’URSS. Et les intellectuels géorgiens ont subi les mêmes terribles pertes. Par contre, ces mêmes nationalistes russes ne se demandent pas s’il est bien nécessaire de conserver la statue de Staline à Gori. De notre côté, nous sommes convaincus qu’elle doit finir à la décharge, mais jetée par les Géorgiens eux-mêmes.

Nous condamnons vigoureusement les actes insensés de la soldatesque russe qui ont profondément ébranlé les relations entre les peuples et ont fait perdre au monde civilisé la confiance et les espoirs qu’il avait mis dans la Russie. Nous en appelons à tous ceux qui sont soucieux de l’avenir du monde : il est urgent de mettre sans délai un terme au déchaînement de violence dans la région du Caucase, de ne pas laisser mourir la culture.

Vitaly Amoursky, journaliste, France
Vladimir Batchev, PEN Club Américain, Frankfurt a.M
Nicolas Bokov, PEN Club français, Paris
Igor Chelkovski, sculpteur, France
Aleksei Dayen, poète, USA
Igor Schestkow, écrivain, Allemagne
Lessia Tyshkoskaja, artiste, France
Vladimir Zagreba, PEN Club français, Paris

Août 2008


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